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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Hôpitaux, la saignée des emplois

Solidaire
Nantes, Le Havre, Nice, Villejuif… Petits ou gros, les établissements multiplient les "restructurations" et les "plans sociaux déguisés" selon les syndicats. Vingt mille postes sont menacés, dans un sous-financement organisé pour favoriser le privé.

C’est bel et bien devenu une réalité : le privé n’a plus l’apanage des plans sociaux, y compris dans le domaine de la santé. Partout, les hôpitaux, petits et grands, dégraissent. La logique financière imposée aux établissements pousse aujourd’hui un nombre croissant de gestionnaires à réduire les effectifs, devenus à leurs yeux la seule variable d’ajustement. Au vu des déficits existants, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu’il faudrait supprimer 20000 emplois sur les 800000 actuels pour revenir à l’équilibre.

Certes, les suppressions de postes dans les hôpitaux existent depuis longtemps. « En dix ans, j’ai supprimé une centaine d’emplois en externalisant (…). La consigne n’est pas officielle, mais je n’ai pas le choix », confiait ainsi de façon anonyme un chef d’établissement public dans le Quotidien du médecin, la semaine dernière. « Nous sommes tous dans des logiques de non-remplacement de départs ou d’un remplacement sur deux pour les personnels hospitaliers », avouait de son côté le président de la conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires (CHU). La seule différence, c’est qu’aujourd’hui les tutelles ne cachent plus la nécessité de réduire la masse salariale, seule possibilité, selon elles, de résorber les déficits astronomiques des établissements de santé. Seuls deux des 31 CHU (Limoges et Poitiers) ne sont pas en déséquilibre. Entre 2005 et 2007, le déficit global des CHU est passé de 24 millions à 367 millions d’euros. Et ils devraient terminer 2008 avec une perte de près de 800 millions d’euros. Mais les gros hôpitaux ne sont pas les seuls concernés : la plupart des centres hospitaliers du pays ont aujourd’hui leurs indicateurs dans le rouge.

Cette crise s’explique essentiellement par l’évolution du mode de financement. Depuis 2004, les hôpitaux ne reçoivent plus de dotation globale de l’État et sont passés, depuis le 1er janvier dernier, à une tarification à l’activité à 100 %. « Le sous-financement organisé de l’hôpital asphyxie petit à petit nos établissements  », alertait il y a quelques mois Claude Évin, le président de la FHF. « Les situations déficitaires n’ont cessé de se multiplier et, aujourd’hui, même les établissements les plus performants se trouvent confrontés à de graves difficultés financières.  » L’exemple le plus révélateur de ce paradoxe est sans doute celui du CHU de Toulouse. Classé parmi l’un des plus performants par le palmarès 2008 du journal le Point, il affiche un déficit de 12 millions d’euros, ce qui va entraîner la suppression de 120 emplois.

Car qui dit déficit aggravé, dit menace sur l’emploi. L’équation faite par le gouvernement est simple : l’emploi représente 70 % du budget des hôpitaux. Donc en réduisant les effectifs, les établissements feront forcément des économies. Pour les syndicats, cette logique est vraiment nouvelle. « Sept hôpitaux sur dix prévoyaient de s’attaquer à l’emploi contre un sur deux en 2007 », constate Philippe Crépel, secrétaire fédéral de la CGT santé.

Contrairement aux hôpitaux privés, les établissements publics ne peuvent légalement pas appliquer un plan social. En revanche, ils jouent sur les non-remplacements de départs naturels. Des « plans sociaux » déguisés, selon les syndicats. Un dispositif existant depuis 1998, mais rarement utilisé, permet d’allouer une enveloppe pour favoriser les départs volontaires (selon certains critères), dans les cas de restructurations. C’est ce qui se passe actuellement au CHU de Nantes. « Aujourd’hui, le gouvernement met en oeuvre les mécanismes permettant aux hôpitaux de licencier  », résume Philippe Crépel, indiquant que les hôpitaux commencent à cotiser aux ASSEDIC. Pour le syndicaliste, tout s’est « accéléré  » depuis l’élection de Nicolas Sarkozy.

Une analyse partagée par Yolande Briand, secrétaire générale de la fédération CFDT santé. « Avec la crise, ce sera pire en 2009. Le problème, souligne cette dernière, c’est qu’il n’y a pas de restructuration. La plupart des directeurs diminuent immédiatement la masse salariale. Ils ne cherchent pas d’autre possibilité de réorganisation. C’est le degré zéro de réflexion. Il n’y a pas d’analyse du déficit. » Et de poursuivre : « Le fond de la question, c’est de savoir si l’on considère la santé comme une marchandise. »

D’ici à 2015, près de 380000 agents de la fonction publique hospitalière vont partir à la retraite, soit près de 50 % des effectifs. Va-t-on, à cette occasion, assister à un dépeçage des hôpitaux ? Mais quid des patients ? « Si l’offre de soins reste, pour le moment, relativement protégée, c’est que les personnels prennent sur eux pour maintenir un service public de qualité », assure Philippe Crépel, de la CGT santé. Jusqu’à quand ?

Alexandra Chaignon
(Paru dans l’Humanité du 10 novembre 2008)

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