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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Emprunts : le cadeau fiscal empoisonné de Nicolas Sarkozy

Solidaire

Logement . Le chef de l’État a annoncé qu’il étendrait la déduction d’impôts à tous les emprunts immobiliers en cours. Une mesure qui cache de nombreux effets pervers.

« Je ferais tout ce que j’ai dit », a rappelé, mardi soir, Nicolas Sarkozy, lors d’une « réunion républicaine » organisée au Havre sous l’égide de l’UMP. Tout ce qu’il a dit... quitte à revenir sur les annonces de son ministre du Budget et des Comptes publics, Éric Woerth, concernant la déduction des intérêts d’emprunts immobiliers. « Les intérêts seront déductibles à partir du jour où la loi sera votée, et cette déduction, comme je m’y suis engagé, s’appliquera à tous les emprunts en cours. »

Alléchante carotte aux électeurs
Il y a une semaine, Éric Woerth l’annonçait comme applicable uniquement aux résidences principales dont l’acte authentique de vente aurait été signé après le 6 mai 2007, jour de l’élection du président de la République. Quelques jours avant les législatives, Nicolas Sarkozy élargit donc le cadeau, brandissant une alléchante carotte aux électeurs.

Mais si celle-ci fait saliver les propriétaires, et seulement les propriétaires, elle risque bien d’assécher les finances de l’État. La tentative de chiffrage d’une telle mesure s’avère épineuse, les limites étant encore floues et susceptibles de revirements. Patrick Devedjian, secrétaire général délégué de l’UMP, évalue le coût pour l’État entre « 3 et 4 milliards d’euros ». Mais l’addition pourrait être bien plus salée, selon plusieurs experts qui évoquent 10 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature.

Récusant l’idée d’un « cadeau fiscal » aux propriétaires, Patrick Devedjian évoque « une mesure de relance économique et de lutte contre le chômage ». Un argument qui en laisse beaucoup de marbre. Si un effet positif sur la demande pourrait bien avoir lieu, comme l’indique Nicolas Bouzou, du cabinet d’études sectorielles Asterès, cela risque de déclencher une flambée des prix de l’immobilier. Une aubaine pour les agents immobiliers et autres banquiers, qui ont vu leurs profits stagner légèrement depuis le tassement du marché et ne manqueront pas d’invoquer ce nouveau cadeau fiscal pour hausser les prix. Une moins bonne nouvelle pour les accédants à la propriété, dont les maigres gains fiscaux seront vite annulés par cette flambée, voire par le coût alourdi des prêts qu’ils seront amenés à contracter.

De nombreuses interrogations
« Aujourd’hui, les gens veulent déjà devenir propriétaires et n’en ont pas les moyens », souligne Christophe Cremer, président du courtier immobilier en ligne Meilleurtaux, pour qui il aurait mieux valu cibler ces ménages plutôt que « d’offrir un avantage fiscal à quelqu’un qui a acheté son bien en 2000, alors que la valeur de ce bien a été multipliée par deux ». La mesure profitera donc à ceux qui peuvent déjà se permettre d’investir. « Les choses sont très, très claires », assurait, hier, Éric Woerth au sortir du Conseil des ministres. Pourtant les conditions encadrant cet avantage fiscal soulèvent encore de nombreuses interrogations. Si la mesure a d’abord été présentée sous la forme d’un « crédit d’impôt limité dans le temps », aucune précision n’a encore été donnée sur sa durée d’application. Cinq, sept ou dix ans ont été évoqués, soit « les années où l’on rembourse plus d’intérêt et moins de capital », précise le ministre.

Éric Woerth annonçait aussi un avantage fiscal sous forme de chèque du Trésor public pour ceux ne payant pas d’impôts. Qu’en sera-t-il pour les bénéficiaires du taux à prêt zéro ? Autre bref éclairage du ministre du Budget : les impôts seront déduits des revenus « à hauteur de 20 % » du montant des intérêts. Ce plafonnement, qui profitera davantage aux gros emprunteurs, sera-t-il maintenu dans la version finale du texte ? Avec un tel jeu de clair-obscur, certains pourraient vite être aveuglés.

Karine Parquet, "L'Humanité" du 31 mai 2007

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