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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Facs : premier recul sur une réforme baclée

Solidaire

La présentation en Conseil des ministres de la réforme sur l’autonomie des universités est repoussée d’une semaine. Décryptage des points qui fâchent.

Parce que c’est dans ses manières, et parce que la situation vire en eau de boudin, Nicolas Sarkozy a repris en main les discussions sur le projet de loi d’autonomie des universités. Et cède du terrain. Le chef de l’État - qui recevait, hier, la Conférence des présidents d’université (CPU) et doit en faire autant aujourd’hui avec les syndicats - a fait savoir que le texte ne passera pas comme prévu devant le Conseil des ministres de mercredi. L’échéance serait repoussée au 4 juillet, afin que le président ait « bien en tête tous les tenants et les aboutissants de la réforme », a expliqué le porte-parole de l’Élysée, « et puisse arbitrer s’il y a des réticences. »

Il y en a. Au point que la communauté universitaire tout entière, jugeant le texte inacceptable en l’état, demande son ajournement. Les foudres sont tombées la semaine dernière, après que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a présenté son avant-projet de loi. Extrêmement vives côté organisations. Nettement moins turbulentes côté présidents de facs, mais plus inattendues.

Pétard sur le gâteau : vendredi, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a rejeté le projet à 19 voix contre 12... après avoir explosé. La FSU, d’abord, suivie de SGEN-CFDT et de la FERC-CGT, puis, finalement, de l’UNEF et de la FAGE ont quitté l’assemblée.

« Cette rencontre avec Nicolas Sarkozy est le rendez-vous de la dernière chance, assène à présent Bruno Julliard, président de l’UNEF, après quoi, sauf changements profonds, la mobilisation sera d’actualité. » Jean Fabbri, secrétaire général du SNESUP, voit, quant à lui « une occasion inédite de faire fléchir le gouvernement ».

Marie-Noëlle Bertrand

Tour d’horizon des principaux points de rupture

Méthode : pressions et précipitation

S’il qualifie cette réforme de « plus importante de la législature », François Fillon n’aura pas accordé plus de trois semaines à la concertation. Une précipitation d’autant plus décriée que l’adoption de la loi a été programmée pour juillet, période morte dans les facs. Au reste, le CNESER n’a pas permis aux organisations d’amender le texte comme elles l’auraient souhaité, Valérie Pécresse déclarant ne pas « disposer de marge de manoeuvre suffisante ». Les organisations exigent donc la prolongation des négociations afin de revoir la copie.

Volontariat : la mise en concurrence des universités

La communauté universitaire était unanime : si autonomie il doit y avoir, cela doit valoir pour toutes les facs. Ainsi était-il demandé qu’une date butoir soit fixée, après laquelle toutes intégreraient ce nouveau statut. Ce ne sera pas le cas, le projet qualifiant d’optionnel l’accès à l’autonomie en matière de gestion financière et de ressources humaines. Les syndicats dénoncent une politique instituant un système universitaire à deux vitesses et la mise en concurrence des facs, sur le modèle anglo-saxon. La CPU elle-même s’oppose à cette autonomie optionnelle. Mercredi dernier, le chef de l’État n’arrangeait pas les choses. Faisant fi des inégalités qui existent déjà d’une fac à l’autre, il déclarait que ceux qui s’engageront dans le processus d’autonomie percevront des aides supplémentaires. Où les mieux loties resteront les mieux loties.

Sélection : la promesse trahie

Les étudiants tiquent sur la sélection à l’entrée du mastère, autrement dit après bac + 3, avancée dans le projet. Celui-ci précise que l’accès au 2e cycle universitaire sera désormais soumis « aux conditions définies par le conseil d’administration ». À l’orée des négociations, pourtant, Valérie Pécresse avait promis que cette limite ne serait pas franchie. Seule la Conférence des présidents d’université approuve ce retournement.

Pouvoir : tout pour les présidents

Réduits à 20 membres - au lieu de 60 - les futurs conseils d’administration léseraient singulièrement les étudiants, dont la représentation passerait à 15 % au lieu de 25 %. Sept personnalités extérieures y siégeraient, toutes nommées par le président de l’université. Celui-ci bénéficierait d’un pouvoir accru, notamment en termes de recrutement et de nomination des personnels. Son mandat serait de quatre ans renouvelables (contre cinq non renouvelables actuellement). Les organisations réprouvent cette suprématie et demandent des CA plus représentatifs. La CPU elle-même se dit favorable à des CA d’une trentaine de personnes.

Financement : l’esprit managérial

Les facs pourront créer des fondations afin de collecter de l’argent auprès de financeurs privés. Ce n’est pas neuf. Mais la part que cela pourra prendre à l’avenir - et le désengagement de l’État que cela pourrait induire - inquiète. Où l’on redoute, là encore, une mise en concurrence des facs et l’esprit managérial. Le SNESUP, singulièrement, se dit absolument hostile à ce qu’il perçoit comme la mise à bas du principe de collégialité, fondateur du système universitaire.

Carrières : une baisse des exigences disciplinaires

La CPU approuve, le SNESUP réprouve, l’UNEF reste en alerte : le recrutement des profs se fera désormais via des comités ad hoc, composés pour moitié de personnels extérieurs à l’établissement et sans lien obligé avec la discipline demandée. Le SNESUP y voit un danger pour la construction des savoirs et un risque d’inégalité en matière de recrutement.

M.-N. B. "l'Humanité", mardi 26 juin 2007

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