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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Silicon Valley : l'envers du décor que ne visitera pas Hollande

Solidaire

Cet article, repris du journal l'Humanité, aurait pu s'intituler "l'enfer du décor" pour une vallée qui se situe dans la même région qu'Hollywood. Il s'intitulait, à l'origine, "Trois leçons de gauche que pourrait retenir Hollande de sa visite dans la Silicon Valley".

On y voit l'autre Amérique, celle que l'on devine dans les séries policières américaines, violente, pauvre.

On y voit aussi une Amréique dont on ne parle jamais, celle des Etats en faillite, des dégâts du libéralisme et de l'évasion fiscale, d'universités, d'écoles et de lycées en difficultés financières. Un peu comme nos universités françaises, depuis la loi Fioraso, ou nos hôpitaux, victimes d'une tarification à l'acte qui plome leurs comptes.

Il est beau le libéralisme et son crédo sur la libre circulation des capitaux et sur la concurrence libre et non faussée !

Il est beau pour Bill Gates et quelques centaines de riches étatsuniens. Il est horrible pour des millions de pauvres et autant de travailleurs pauvres, mal logés et mal payés !

Solidaire


Le président Hollande est ce mercredi en visite dans le berceau de la high-tech. La Californie et ses villes devraient crouler sous les milliards de dollars mais elles sont pourtant étranglées, les inégalités explosent, les services publics, transports et les universités comme Stanford et Berkeley sont en danger. C’est ce que pourrait apprendre François Hollande en visite dans la Silicon Valley, désormais rebaptisée la Homeless Valley (vallée des sans-abris).

La Silicon Valley, c’est 2 millions d’habitants qui travaillent dans les entreprises phares des nouvelles technologies : Apple, Amazon, Intel, Adobe, Microsoft, Google, Facebook et tellement d’autres. C’est aussi une cinquantaine de milliardaire et plusieurs dizaines de milliers de millionnaires qui ont changé la face de la baie de San  Francisco. Une « gentrification » non régulée d’une violence extrême.

Plutôt que des patrons de start-ups, François Hollande pourrait ainsi visiter la Jungle. Le nom de l’un nombreux camp de sans-abris de la vallée, dans lequel quelques centaines de SDF survivent au pied du siège du géant du logiciel Adobe. Des Américains jetés à la rue par des loyers devenus improbables, que rien ni personne ne parvient à encadrer. Ces camps de SDF, il y en a de plus en plus : +25 % en deux ans. Le multimilliardaire Larry Page, fondateur de Google passe devant l’un deux lorsqu’il quitte sa richissime villa pour se rendre à 3 km de là au siège de son entreprise.

En bleu: les sièges d'entreprises, en vert: les villas de milliardaires, en roug

Constater les inégalités extrêmes

Dans cette vallée, un « deux pièces » coûte plus d’un million d’euros. Les travailleurs moyens sont obligés de se loger à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail. Jusqu’à San-Francisco et au-delà. Et les transports publics y dépérissent. Google et consœurs affrètent des bus privés pour leurs propres employés (payés en moyenne l’équivalent de 100 000 euros par an) qui suivent les lignes de bus classiques, mais dans lesquels on trouve la climatisation, des tables et connexions Internet, productivité oblige. A ces mêmes arrêts attendent d’autres travailleurs moins riches (30.000 euros par an le salaire moyen à San Francisco hors Silicon Valley), qui s’entassent dans des bus publics de plus en plus vétustes et engorgés. Les Bus de la ligne 22 sont devenus des lieux d’accueil à SDF, à tel point que la ligne est désormais appelée Hôtel 22.
Les habitants ont manifesté ces dernières semaines contre ces entreprises qui profitent des voies de bus et des arrêts en ne reversant qu’un forfait symbolique (1 dollar par arrêt et par navette) à la municipalité. Ils réclament à ces sociétés plusieurs centaines de millions de dollars pour avoir utilisé des infrastructures publiques sans rien reverser.    

La ruine des services publics et universités

Les Californiens ont très légitimement des craintes sur la survie de leurs services publics. L’Etat de Californie a connu une grave crise budgétaire. C’est que ces entreprises sont expertes dans l’évasion fiscale, y compris sur le territoire américain. Apple, Microsoft, Cisco, Oracle, Harley Davidson et des centaines d’autres profitent du dumping fiscal entre Etats américains et envoient le gros de leurs bénéfices auprès de leur filiale au Nevada ou au Delaware, véritables paradis fiscaux au sein même du pays. Ces groupes profitent de la Silicon Valley, des campus prestigieux de Stanford, de Berkley et même d’UCLA où ils trouvent leurs ingénieurs, mais ne payent que très peu d’impôts.

En Californie ces cinq dernières années, le nombre de fonctionnaires a ainsi été réduit de 30.000, les dotations aux universités, source de la prospérité de l'Etat, ont baissé de 25 %. 1 milliard en moins pour les collèges et lycées publiques, les crèches sont devenues privées. Pour baisser le budget carcéral, l’Etat a également mis dehors 25.000 prisonniers condamnés à des peines légères. La justice a dû accepter d’assigner à domicile des condamnés, avec bracelets électroniques, dans des camps de SDF.

Le nouveau gouverneur démocrate, qui a succédé à Arnold Schwarzenegger, a pu tout de même créer une nouvelle taxe sur les industries high-tech pour freiner le délabrement des universités, ainsi qu’une légère augmentation de l’impôt sur les plus hauts revenus.

Le mythe de la « concurrence libre et non faussée »  

Et c’est avec Pierre Gattaz, le patron du Medef, que François Hollande visite le pays des libertariens. Ceux pour qui l’Etat est l’ennemi n°1 dirigent des entreprises aux capitalisations boursières parfois équivalentes aux PIB de la Pologne ou du Chili. Ces chantres de la non-régulation se sont entendus pour geler les salaires de plus de 100.000 ingénieurs.
Le président français pourrait suivre cette Class Action américaine, qui assigne en justice les patrons de la Valley. Une affaire qui aurait commencé début 2005, entre Apple et Google. Deux patrons qui s’envoient des mails pour se mettre d’accord et inverser la course aux salaires, afin d’arrêter de se « voler » des ingénieurs les uns les autres. Un pacte secret qui a rapidement séduit HP, Adobe, Ebay… Ces 100.000 ingénieurs estiment ainsi que la baisse concertée de leurs revenus représente un manque à gagner de 9 milliards de dollars et les réclament aujourd’hui à ces patrons.
La moralité de ce voyage au pays de l’innovation et de la High-Tech, François Hollande pourrait l’apprendre du chercheur Evgeny Morozov : « l’innovation, ce n’est qu’un euphémisme pour désigner les intérêts financiers des groupes de la Silicon Valley, et non pas un programme économique et social ambitieux ».

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