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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Sans-papiers : réouverture de la chasse aux couples

Solidaire

«On est en présence d’une véritable législation de combat contre les couples mixtes» s’indigne Nicolas Ferran, coordinateur du collectif Les Amoureux au ban public. «Le conjoint français est stigmatisé comme un ennemi de l’intérieur, le conjoint étranger est placé dans une situation d’instabilité perpétuelle» qui peut aboutir à l’expulsion, comme cela s’est produit mercredi 30 avril pour Clebert, jeune béninois de 22 ans.

Nicolas Ferran. « Mercredi dernier, Clebert, de nationalité béninoise, a été arraché à sa compagne française, Moussouba, enceinte de 5 mois. Ce jeune homme de 22 ans est entré en France en 2004, pour faire ses études. Il a tout d’abord vécu avec des titres de séjour étudiants, pendant deux ans, qu’il n’a pas renouvelés en septembre 2007. Deux mois plus tard, il demande à la préfecture de l’Hérault de changer de statut en invoquant sa relation familiale avec une française. La préfecture refuse le dossier et lui dit de revenir quand l’enfant sera né. C’est une pratique courante, qui sous-entend logiquement qu’il n’y aura pas de mesures d’éloignement prises à son encontre. Lors d’un déplacement en Charente le 20 avril, Clebert est interpellé à La Rochelle. Placé en garde à vue, il reçoit un arrêté de reconduite à la frontière et est placé au centre de rétention de Toulouse. Après confirmation du Tribunal admninistratif, Clebert est expulsé quelques jours plus tard.
Contactés dimanche par Moussouba, nous sommes arrivés trop tard pour faire un recours devant le Tribunal administratif. Pourtant, le préfet n’a pas examiné tous les éléments du dossier puisque la préfecture de Charente-Maritime n’avait en sa possession qu’un seul élément, les titres de séjours étudiants non renouvelés. Nous avons lutté pour obtenir l’abrogation de l’arrêté de reconduite, ou même sa suspension, afin de permettre à l’Etat d’apprécier la situation avec toutes les pièces en main.

Nous avons la preuve que ce couple est ensemble depuis trois ans. De nombreux éléments montrent l’importance de cette relation pour Moussouba, au RMI et enceinte de 5 mois…La préfecture est restée totalement inflexible, sans jamais répondre à nos appels. Plus de 6700 signatures ont été réunies avec la pétition, plusieurs élus sont montés au créneau pour nous soutenir, rien n’y fait. Nous assistons à une déshumanisation totale dans l’examen des dossiers, sous la pression du chiffre, qui broie les existences.

Cette situation d’urgence n’a rien d’extraordinaire. Si Les Amoureux au ban public devaient réagir à chaque fois que le conjoint d’un couple mixte était placé en centre de rétention, ce serait tous les deux jours ! Nous agissons aussi en faveur des couples qui n’arrivent pas à se réunir en raison du refus de transcription des unions célébrées à l’étranger, contre la multiplication des refus de visas ou titres de séjour, contre les enquêtes de police sur la communauté de vie ne respectant pas les règles élémentaires de déontologie… La chasse au couple est une réalité qui prend toutes ces formes. Lorsque Nicolas Sarkozy revient sur l’immigration «subie», dans sa dernière intervention télévisée, il faut bien sûr comprendre «immigration familiale». Cette dernière ne concerne pas seulement le regroupement familial, c’est-à-dire un étranger qui fait venir sa famille sur le territoire français. Cela s’applique aussi et surtout à un(e) conjoint(e) français(e) qui s’unit à un étranger. C’est d’ailleurs le poste de délivrance de titre de séjour le plus important au sein de l’immigration familiale. Le gouvernement affirme que le durcissement des règles est nécessaire, afin de lutter contre la fraude. Il n’existe tout d’abord aucune étude sérieuse sur le sujet, mais surtout rien ne peut justifier cette présomption de fraude qui pèse en permanence sur ces couples, assortie d’une très forte répression. Cela reviendrait à faire un contrôle fiscal à chaque Français, chaque année, au nom de la lutte contre la fraude aux impôts !

Le conjoint étranger est placé dans une situation d’instabilité perpétuelle. Durant les trois années qui suivent le mariage, il doit renouveler son titre de séjour chaque année, avec souvent une très longue attente avant de le recevoir. J’ai rencontré un couple dans une situation invraisemblable : la préfecture avait mis tellement de temps à lui fournir son titre de séjour qu’elle lui a remis un document périmé ! Ensuite, le conjoint étranger obtient la faculté - ce n’est même plus un droit depuis 2006 ! - de demander la carte de résident (10 ans), mais le préfet peut faire ce qu’il veut. Il conserve un pouvoir discrétionnaire sur la délivrance de ce document. Ainsi, un couple marié depuis plus de trois ans a néanmoins essuyé un refus de la préfecture, que nous avons réussi à faire annuler devant le Tribunal administratif. Ce conjoint marocain suivait un doctorat, enseignait, parlait parfaitement la langue et n’avait jamais eu le moindre problème. Il a pourtant vu sa demande rejetée car il n’était pas assez «intégré professionnellement», selon la préfecture. Les conjoints étrangers sont ainsi maintenus pendant 4-5 ans avec des titres de séjour temporaires, des contrôles de police, des difficultés pour trouver un logement, pour obtenir un prêt à la banque. Et si, au bout de cinq ans, le couple divorce, le conjoint d’origine étrangère peut être expulsé dans son pays. Nous avons aussi fortement réagi quand Elisabeth Guérin, Béninoise mariée à un Français, a été menacée d’expulsion le mois dernier et placée en centre de rétention, lorsque son mari est décédé d’un cancer foudroyant, au motif que la «communauté de vie» était rompue. Elle venait de demander son troisième titre de séjour. Brice Hortefeux a finalement fait marche arrière et déclaré que le préfet d’Indre-et-Loire s’était trompé. C’est faux, il ne s’est pas «trompé» : il applique simplement la loi, qui dispose qu’un décès constitue une rupture de la vie commune entrainant l’expulsion. Je connais ainsi cinq affaires similaires.
Sous couvert de lutte contre les mariages blancs, il s’agit d’une véritable législation de combat contre les couples mixtes. Pourquoi l’Etat français se comporte-t-il ainsi vis-à-vis de l’étranger, mais aussi de ses propres ressortissants ? On ne réprime pas seulement l’étranger, mais aussi le conjoint français, qui est stigmatisé comme un ennemi de l’intérieur.

Le dernier rapport du Comité interministériel de contrôle de l’immigration (décembre 2007) comporte un passage sidérant (p.90) sur les couples mixtes. Il affirme, tout d’abord, qu’il existe beaucoup de titres de séjours délivrés aux conjoints de Français, sous-entendu beaucoup trop ! Il faut donc aller au-delà de la simple lutte contre la fraude, pour faire diminuer ce chiffre. Trois conditions permettraient d’atteindre cet objectif. Il faut tout d’abord renforcer les contrôles. Cela semble pourtant difficile de faire pire ! Deuxième proposition, il faut tenir compte de «l’employabilité» du conjoint. Ainsi, ne pas travailler dans un secteur «sous tension» deviendrait un obstacle à l’obtention du titre de séjour. Enfin, il faut tenir compte des liens du couple avec le pays d’origine du conjoint étranger, dans lequel ils pourraient s’installer si ces attaches sont importantes. Des Français seraient ainsi bannis à travers leur conjoint étranger ! C’est d’ailleurs très sournois : les premiers visés sont bien sûr les Français d’origine étrangère, qui sont le plus à même d’avoir ces « liens », ou tout simplement qui ont plus de chance de rencontrer un conjoint à l’étranger, lors de vacances dans leur pays d’origine par exemple. Le rapport conclut enfin que ces mesures seraient dans «l’intérêt de la France». Les Français qui tombent amoureux d’étrangers ne répondent apparemment pas à cet intérêt ! »

Réalisé par CAMILLE STROMBONI, le "contre-journal"

Voir le site des amoureux au ban public, et  la pétition en faveur de Clebert.

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