Il faut démystifier le traité simplifié
En septembre 2004 lorsque le Parti communiste alertait l’opinion publique sur les dangers que recélait le projet de constitution européenne, qui aurait pu parier qu’une large majorité était sur le point de se constituer pour le rejeter huit mois plus tard ? Le texte était alors à peu près inconnu hors du cercle des experts, mais le gouvernement, l’UMP présidée alors par Nicolas Sarkozy, et la majorité des dirigeants socialistes faisaient du vote « oui » une évidence. Il s’agissait alors de le faire connaître, de le faire débattre, afin que les citoyens puissent se prononcer les yeux ouverts. Marie-George Buffet n’a pas manqué de faire ce rappel en ouvrant une conférence de presse (1), hier matin place du Colonel-Fabien, à propos du « traité simplifié ».
TENTATION DE PASSER EN FORCE
Simplifié, ce traité l’est avant tout par la manière dont veut user Nicolas Sarkozy pour le faire adopter : un simple vote parlementaire le plus vite, avec le moins de débat possible. Pour ce qui est du contenu, l’eurodéputé Francis Wurtz, président du groupe Gauche unitaire européenne, s’est attaché à démonter la mystification entretenue par le président français, selon lequel le traité simplifié se limiterait au fonctionnement institutionnel, et tiendrait compte des arguments qui emportèrent la conviction des Français le 29 mai 2005. Si le mot constitution a disparu, si Nicolas Sarkozy s’est autocongratulé d’avoir obtenu le retrait de la célèbre expression « concurrence libre et non faussée », le projet se présente sous formes d’amendements aux traités existants, qui restent en vigueur, et à l’ex-TCE. Ce n’est en rien « la réorientation profonde, dont parle Nicolas Sarkozy », mais pour Francis Wurtz « un changement de terminologie sans changer la substance ». Ou comme l’a dit avec franchise Angela Merkel, interpellée récemment par le député européen français, « cela ne change rien ».
LES DéFIS DE LA GAUCHE EUROPéENNE
Donc, pour les communistes, il n’y a aucune raison de changer d’attitude, face à la volonté de « passage en force » qui caractérise, ici comme dans d’autres domaines, la politique de Nicolas Sarkozy. Marie-George Buffet a annoncé une grande campagne pour exiger un large débat public. Un appel va être adressé aux citoyens sur le thème : nous voulons savoir, nous voulons décider. La fête de l’Humanité sera un temps fort de la campagne. La direction du PCF va également prendre des contacts avec les autres forces de gauche. Regrettant au passage que des députés socialistes semblent se satisfaire de la voie parlementaire choisie par Nicolas Sarkozy, Marie-George Buffet a mis en garde contre un traité qui aggraverait la crise en Europe en n’apportant aucun changement aux politiques suivies. « Pour faire sortir l’Europe de l’impasse, il faut un nouveau traité européen élaboré avec les citoyens. »
Cette campagne aura une dimension européenne, le Parti de la gauche européenne, dont le PCF est membre, a décidé de s’engager. La gauche européenne a plusieurs défis à relever, observe Francis Wurtz. Travailler à la clarification du contenu du traité ; exiger des débats publics conclus par des référendums, prendre en compte la nouvelle bataille idéologique de dirigeants européens, qui n’hésitent pas à accompagner, médiatiquement, les critiques des opinions contre le cours actuel de la construction européenne. Nicolas Sarkozy excelle même dans ce rôle, en proclamant son attachement aux services publics ou en fustigeant l’euro fort, en morigénant la BCE. Une posture qui n’empêche pas la France d’ouvrir le marché de l’énergie à la concurrence. L’achèvement de la libéralisation des activités postales qui vient en débat cette semaine au Parlement européen sera une bonne occasion de mesurer la distance entre les paroles et les actes.
(1) Aux côtés de Marie-George Buffet participaient à la conférence de presse, Olivier Dartigolles, porte-parole, Francis Wurtz et Jean-Paul Lecoq, député de Seine-Maritime.
Jean-Paul Piérot, "L'Humanité" du 10 juillet