Quand la banque JP Morgan Chase déplore l'absence de régimes autoritaires en Europe pour imposer l'austérité
Dans un document publié à la fin du mois de mai, le géant des banques d’investissement américain JPMorgan Chase réclame l’abrogation des constitutions démocratiques bourgeoises établies après la Seconde Guerre mondiale dans une série de pays européens et la mise en place de régimes autoritaires.
Cette banque, qui a fait parler d'elle lors du krach financier de 2008, est la plus grande banque des Etats-Unis et le plus grand agent de produits dérivés du monde. Elle voit, dans son rapport, la main des communistes partout et la possibilité pour les peuples de refuser les politiques d'austérité libérale qu'on leur impose actuellement.... ce qui constitue un droit, somme toute, à la base de la démocratie, non ?
Ce rapport affirme ainsi que " Les systèmes politiques dans la périphérie [sud] ont été établis après la chute des dictatures, et ont été façonnés par cette expérience. Les constitutions tendent à montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique des partis de gauche après la défaite du fascisme." Jusque là, on est d'accord.
Le rapport poursuit sur "Les systèmes politiques dans la périphérie affichent les caractéristiques suivantes : des exécutifs faibles ; des gouvernements centraux faibles par rapport aux régions ; une protection constitutionnelle des droits des travailleurs ; un consensus dans la construction de systèmes politiques promouvant le clientélisme politique ; et le droit de protester si des changements malvenus sont apportés au status quo politique." Ainsi, la banque JP Morgan Chase déplore t-elle l'idée de consensus ? Pire ! La "protection constitutionnelle des travailleurs" et le "droit de protester" sont exposés comme des difficultés, des défauts ! Ce rapport exprime crûment la vision du monde futur dont rêvent les spéculateurs et que bâtissent les partis libéraux et sociaux-libéraux au travers de la mondialisation et de la "construction européenne".
Ce document de 16 pages a été réalisé par le groupe Europe Economic Research de JPMorgan et est intitulé "L’ajustement de la zone euro – bilan à mi-parcours".
Le rapport exprime par ailleurs sa satisfaction vis à vis de l’application par l’Union européenne d’un certain nombre de mécanismes financiers visant à garantir les intérêts bancaires. A cet égard, l’étude souligne que la réforme de la zone euro en est pratiquement à mi-chemin. Mais le rapport réclame aussi davantage d’action de la part de la Banque centrale européenne (BCE).
Depuis l’éruption de la crise financière mondiale de 2008, la BCE débloque des milliers de milliards d’euros en faveur des banques pour leur permettre d’effacer leurs créances douteuses et de redémarrer une nouvelle série de spéculations. Exprimé par la voix d'une banque spéculative, on comprend le sens profond des choix européens ces dernières années : servir les banques et la finance.
En ce qui concerne les analystes de JPMorgan, ceci n’est cependant pas suffisant. Ils exigent de la part de la BCE une "réponse plus spectaculaire" à la crise.
Les critiques les plus dures du document sont cependant formulées à l’égard des gouvernements nationaux qui ont mis bien trop de temps à appliquer le genre de mesures autoritaires nécessaires à l’imposition de l’austérité. Le processus d’une telle "réforme politique" précise l’étude, a "même à peine commencé".
La Grèce n'est bien qu'un laboratoire d'essai de ce qui sera demain notre quotidien... si on les laisse faire !
Vers la fin du document, les auteurs expliquent ce qu’ils entendent par "réforme politique." Ils écrivent : "Au début de la crise l’on avait pensé que ces problèmes nationaux hérités du passé étaient en grande partie d’ordre économique," mais "il est devenu manifeste qu’il y a des problèmes politiques profondément enracinés dans la périphérie qui, à notre avis, doivent être changés si l’Union monétaire européenne (UME) est censée fonctionner à long terme."
En clair, nos régimes parlementaires partiellement démocratiques seraient le résultat d'un héritage politique qu'il faudrait changer à cause de leurs lacunes... à mettre en place des mesures autoritaires en faveur des banques et de la finance !
Quelles que soient les inexactitudes historiques contenues dans leur analyse, il ne peut y avoir l’ombre d’un doute que les auteurs du rapport de JPMorgan plaident pour que les gouvernements adoptent des pouvoirs de type dictatorial afin de mener à bien le processus de contre-révolution sociale qui est déjà bien avancé à travers toute l’Europe.
A la fin du document, les auteurs avancent une série de scénarios qui, selon eux, pourraient découler de l’échec des gouvernements européens à ériger des systèmes autoritaires. Ces variantes comprennent :
- "1) l’effondrement de plusieurs gouvernements favorables aux réformes en Europe méridionale,
- 2) un effondrement du soutien à l’euro ou à l’UE,
- 3) une victoire électorale incontestée de partis anti-européens radicaux quelque part dans la région,
- 4) l’ingouvernabilité de fait de certains Etats membres une fois que les coûts sociaux (notamment le chômage) dépasseront un certain seuil."
Ces 4 hypothèses sont évidemment considérés comme inconcevables.
Pensez donc ! Des gens du peuple qui se mettraient à contester l'ordre établi, celui d'une finance et d'un capitalisme triomphant imposant à la grande masse des habitants de cette planète un avenir fait de précarité, de salaires au rabais, d'avenir sombre pour leurs enfants, de système de santé en ruine et d'environnement saccagé ! De quoi se mêlent-ils, ces prolos ? Non mais !...
C’est la voix authentique du capital financier qui parle. Il faut rappeler que JPMorgan est profondément impliqué dans les opérations spéculatives qui ont dévasté la vie de centaines de millions de travailleurs partout dans le monde.
Dénoncée pour ses responsabilités dans la crise mondiale depuis 2008, JP Morgan Chase échappe pourtant à toute poursuite grâce à son rôle au service du monde financier qui gouverne réellement le monde.
Au final, il suffit de prendre les quatre scénarios qui inquiètent ce porte-parole du capitalisme mondialisé pour savoir ce qu'il faut faire pour lui barrer la route et reprendre le contrôle de notre destin ! Logique, non ?
Et puisque JP Morgan Chase a peur des rouges, c'est bien du côté des communistes que se trouve l'espoir de contrer libéralisme et mondialisation au profit d'une politique qui se préoccuppe de "L'Humain d'abord !"
Ce ne sont pas les communistes qui le disent, c'est finalement ce que dit ce monument du capitlisme financier qu'est la banque américaine JP Morgan Chase.