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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Vers un état d'exception permanent ?

Solidaire

Emmanuel Macron l'avait promis : la France va sortir de l'état d'urgence... mais pour mieux faire rentrer ces contraintes dans la loi.

En clair, ce qui est exceptionnel va devenir notre quotidien : la police et la Préfecture pourront désormais contrôler et interdire de manifestation sans recours ni contrôle judiciaire.

Un Président qui bénéficie d'un culte médiatique digne de la Corée du Nord, une Assemblée de novices entièrement dévouée à sa personne, et, maintenant, un contrôle du droit d'opposition par la police : la France de Macron va t-elle tourner en ce qu'on appelle une dictature molle ?

Solidaire

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Un article de Libération à retrouver sur ce lien : "Etat d'urgence : une inscription dans le droit commun qui annule toute contestation".

«Les actes terroristes, une notion malléable»

Arié Alimi
DR«Jusqu’à présent, l’état d’urgence n’a pas concerné seulement le terrorisme. Le ministère de l’Intérieur et les préfectures ont démontré leur volonté de l’appliquer à d’autres faits qu’ils considèrent comme des troubles graves à l’ordre public. C’est par exemple ce qui s’est produit peu de temps après les attentats du 13 Novembre, avec les interdictions des manifestations à l’occasion de la COP 21 à Paris. Ce fut aussi le cas avec le bannissement de certaines personnes des cortèges anti-loi travail, ou encore des interdictions de déplacement de supporteurs de football. Le texte de transposition fixe la limite d’une application aux actes terroristes mais c’est une notion malléable. Et lors du contrôle de l’action du ministère, les juridictions administratives, y compris le Conseil d’Etat, n’ont pas du tout fait le travail du juge judiciaire. Lorsqu’elles étaient saisies d’un arrêté préfectoral d’assignation à résidence ou de perquisition, les juges administratifs n’ont pas vérifié la réalité des faits allégués dans les notes des services de renseignement. D’ailleurs, les premiers qui devraient être dans la rue aujourd’hui pour contester ce projet de loi, ce sont les juges de l’ordre judiciaire. De fait, Emmanuel Macron veut rétablir le pouvoir absolu de contraindre sans jugement. La seule limite désormais, c’est que l’on ne pourra pas incarcérer quelqu’un sans l’action du juge judiciaire.» (photo DR)

 Recueilli par Ismaël Halissat 

 

SÉBASTIEN PIETRASANTA député PS spécialiste sécurité:

«Le judiciaire contourné»

Sébastien Pietrasanta
AN«Je trouve plutôt inquiétant qu’un système dérogatoire et exceptionnel puisse entrer dans le droit commun. On ne peut pas dire qu’on sort de l’état d’urgence pendant une campagne présidentielle et finalement mettre cet état d’urgence dans la loi de tous les jours. On perpétue un système dérogatoire, on laisse la plénitude d’action aux préfets, on contourne l’autorité judiciaire : tout cela m’interroge.

«D’autant plus que j’ai aussi des réserves sur l’efficacité de ces mesures, quel que soit l’endroit où vous choisissez de les ranger, état d’urgence ou droit commun. Elles sont sûrement utiles pour le maintien de l’ordre mais, pour le reste, j’ai des doutes. Ainsi, le contrôle parlementaire a montré que les perquisitions administratives et les assignations à résidence avaient eu, grâce à l’effet de surprise, une utilité réelle dans les premiers jours. Mais ensuite, le ménage était fait avant les perquisitions. Ces dernières sont peut-être utiles pour certains services de police, mais pas forcément pour ceux du renseignement dans la lutte contre le terrorisme. Leur but est de surveiller, pas d’aller taper aux portes des personnes à surveiller. Enfin, je ne peux pas, comme homme de gauche, critiquer la droite qui souhaite interner les fichés S et, dans le même temps, accepter des assignés à résidence permanents qui ne sont pas judiciarisés.» (photo AN)

Recueilli par Laure Bretton et Lilian Alemagna 

 

ADRIENNE CHARMET de la Quadrature du Net:

«Atteinte lourde à la vie privée»

«Cet avant-projet de loi, c’est l’inscription de l’état d’urgence dans le droit commun, avec tous les problèmes que cela soulève : qui décide des mesures coercitives ? Quels sont les recours possibles ? La définition des personnes qui peuvent être assignées à résidence est très large et très subjective. L’obligation de «déclarer ses identifiants de tout moyen de communication électronique» reprend une disposition qui avait déjà été proposée pour la loi sur la procédure pénale adoptée en juin, mais que la commission des lois du Sénat avait supprimée. Nous le disions déjà à l’époque : c’est une atteinte au droit de se taire, à la présomption d’innocence et au droit de ne pas s’auto-incriminer, cela va à l’encontre de plusieurs articles de la charte européenne des droits fondamentaux, et la France a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet… Dans le cas des perquisitions informatiques, il y a une atteinte lourde à la vie privée sur décision préfectorale, sans droit de se défendre. Le gouvernement prétend avoir une position de sagesse en disant qu’il faut sortir de l’état d’urgence… mais on y rentrerait définitivement ! Nous sommes en train de discuter et de nous coordonner avec les associations qui s’étaient déjà opposées à l’état d’urgence. On peut espérer que le Conseil d’Etat va jouer son rôle de garde-fou. Et, si le gouvernement ne revient pas sur sa copie, que les parlementaires seront assez sages pour s’y opposer.» (photo DR)

Recueilli par Amaelle Guiton

 

SERGE SLAMA maître de conférence en droit public:

«Le franchissement d’un cap»

slama serge
DR«La fin de l’état d’urgence s’imposait. Le gouvernement a compris qu’il ne pouvait pas le renouveler indéfiniment, sachant que cet état d’exception a vocation à être temporaire, ce que le Conseil d’Etat lui rappelle depuis des mois. Le texte d’avant-projet de loi dont on parle est un curieux mélange entre la reprise des mesures déjà présentes dans la loi sur l’état d’urgence et un certain nombre de solutions qui s’inspirent du droit des étrangers, comme le régime d’assignation à résidence ou la surveillance électronique. Par ailleurs, ce que propose le texte sur les perquisitions est très étonnant : ce serait la première fois en dehors de l’état d’urgence qu’elles seraient ordonnées sur décision du préfet après autorisation du procureur de la République de Paris. Alors certes, le procureur a une autorité judiciaire au sens de la Constitution, mais il n’est pas indépendant dans la mesure où il relève de l’exécutif. La seule solution satisfaisante serait que le juge civil autorise la perquisition. En ce qui concerne les assignations à résidence, elles seraient adaptées plus spécifiquement aux personnes qui sont supposées entretenir des liens avec des milieux radicalisés, afin de les inciter à rompre avec leur milieu d’origine. Inscrire toutes ces mesures dans le droit commun est un franchissement de cap que Bernard Cazeneuve et Manuel Valls n’ont pas osé faire et qu’Emmanuel Macron est en passe de réaliser.» (photo DR)

Recueilli par S.B. 

 

MICHAËL FŒSSEL philosophe:

«Vers un état libéral autoritaire»

Michaël Foessel 
DR«L’inscription des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun est une preuve de plus, s’il en faut, de la "banalité sécuritaire", où l’Etat légitime ses politiques publiques par la sécurité. Alors que la récurrence de la question de la prolongation de l’état d’urgence permettait au moins de discuter de la condition de nos libertés publiques, son inscription dans le droit commun annule toute contestation : l’exception devient la norme, c’est l’évidence sécuritaire. Ce qui est tout à fait paradoxal dans une démocratie libérale : d’un côté, on valorise la liberté d’entreprendre et, de l’autre, on remet en cause nos droits les plus fondamentaux, dont les libertés publiques et individuelles. Avec la permanence de l’état d’urgence, on tendrait ainsi vers un "Etat libéral autoritaire". L’effacement de la figure du juge, traditionnellement libérale, sous le prétexte de l’accélération des processus de médiation démocratique, en est un symptôme. En sacrifiant le pouvoir judiciaire au profit du pouvoir exécutif, on remplace des jugements humains par des procédures administratives, sinon informatiques. Les sociétés qui ne savent plus juger n’ont d’autre solution que de réprimer. En définitive, chez Emmanuel Macron, tout comme chez Manuel Valls, ce sont les libertés économiques qui priment sur celles d’aller et venir, etc., et ce alors même que les effets réels sur le terrorisme sont très limités.» (photo DR)

Recueilli par S.B.

Michaël Fœssel est l’auteur d’Etat vigilance (Points, 2010).

 

EMMANUEL DAOUD avocat:

«Il s’agit d’un coup d’état institutionnel»

«Ce nouveau projet de loi constitue une régression sans précédent des libertés publiques et individuelles. On décide de banaliser des mesures d’exception en les inscrivant dans le droit commun au mépris des équilibres institutionnels et constitutionnels, mais aussi de l’autorité judiciaire. Le paradoxe de la situation, c’est qu’il a été démontré amplement que ces mesures n’avaient pas été efficaces durant l’état d’urgence, et l’on veut pourtant les inscrire de façon définitive dans notre droit. En réalité pour des raisons démagogiques.

«A titre personnel, je considère qu’il s’agit d’un coup d’Etat institutionnel. C’est d’autant plus grave que ces derniers mois, on a constaté un dévoiement de ces dispositions d’exception, détournées de leur finalité première - la lutte antiterroriste - pour mieux criminaliser les mouvements sociaux. Le dernier rapport d’Amnesty International a clairement mis en évidence le recours abusif à l’état d’urgence pour interpeller ou contrôler des militants syndicaux ou écologistes. Si on pousse une telle logique, cette mise sous contrôle relève d’une inspiration autoritaire face à un tel projet, tous les démocrates, qu’ils soient juristes ou non, devraient se mobiliser ensemble pour rappeler au gouvernement les principes fondamentaux de notre Etat de droit et de notre République.»

Recueilli par Emmanuel Fansten

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