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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Désintégration à marche forcée de l'Etat français

Solidaire

En 1972, Georges Pompidou et son premier ministre, Valéry Giscard d'Estaing signaient l'acte de mort de la France en tant que nation indépendante.

C'est une stratégie de longue haleine. Celle de ceux qu'on appelle aujourd'hui les "marchés financiers", qu'on appelait autrefois "les forces du Capital". Leur objectif : venir à bout des Etats-nations pour contourner toutes les protections acquises par les travailleurs lors de décennies de luttes sociales dans chaque pays et pour récupérer les gigantesques marchés potentiels que représentent les monopoles d'Etat et autres services publics.

50 ans de contre-réformes

Dans les années 60, au plus fort d'une lutte entre système capitaliste et système socialiste, ce dernier semblait en capacité de tenir la dragée haute aux grandes nations capitalistes : les victoires successives de mouvements révolutionnaires à Cuba, en Corée ou au Vietnam et l'arrivée au pouvoir dans d'autres pays de gouvernements laïcs et républicains (Egypte, Syrie,...) menaçaient le capitalisme à l'échelle mondiale.

Avec la guerre froide et la course aux armements, les pays occidentaux ont cherché (et réussi) à bloquer le développement économique des pays socialistes. Puis, ils ont travaillé sur les nationalismes et la religion pour provoquer des tensions et des conflits internes aux seins de ces pays afin d'en provoquer l'explosion. Le soutien à Ben Laden et aux Talibans afghans a été une stratégie développée par les Etats-Unis et les puissances européennes pour saper l'expansion socialiste en Orient. Le monde en paie aujourd'hui les conséquences. L'Afghanistan en premier !

Plus près de chez nous, la construction européenne a servi de fer de lance au capitalisme pour prendre l'ascendant sur le monde du travail à une époque où le syndicalisme ouvrier puissant et la peur de la contagion communiste poussaient les Etats et les syndicats patronaux nationaux à céder des avantages sociaux importants à leurs travailleurs. N'oublions pas qu'en 1976, le Parti communiste pesait 25 % des voix en France, 33 % en Italie !

Après mai 68, l'arrivée à l'Elysée de George Pompidou, un homme issu du milieu des affaires (comme Macron), et de son premier ministre libéral Valéry Giscard d'Estaing, a sonné l'heure de la contre-offensive du capitalisme contre les conquêtes ouvrières.

La première étape a été franchie en 1972. Une étape essentielle pour saper l'indépendance de la France en tant qu'état souverain : l'abandon du droit de frapper monnaie par la Banque de France au bénéfice de la Banque Centrale Européenne.

De tout temps, et partout dans le monde, ce qui définit un Etat, ce sont ses pouvoirs essentiels dits "régaliens" : une monnaie, une armée, une police et une justice. Abandonner l'un de ses droits, c'est ce mettre en position de soumission envers celui qui en prend le contrôle !

En abandonnant le contrôle de sa monnaie nationale, la France perdait donc son autonomie économique, sa capacité de décider de la parité entre le franc et les monnaies étrangères, et particulièrement, sa compétitivité économique.

Depuis, de traités européens en traités européens, la France a abandonné d'autres pans de son indépendance économique et législative au profit d'une Europe entièrement construite autour de la logique des marchés et de la mondialisation de l'économie capitaliste. Travailleurs salariés comme travailleurs indépendants, petites entreprises ou commerces, les forces qui pouvaient influer les élus nationaux ont perdu le contrôle de leur destin face aux multinationales et aux banques.

Vers la destruction de la démocratie locale et des protections des salariés ?

Avec la création du personnage Emmanuel Macron par les médias et leurs propriétaires, c'est une nouvelle étape dans la dissolution de la République française qui est enclenchée.

S'appuyant sur quelques scandales et sur des décennies de double langage d'une classe politique qui affirmait vouloir résoudre une crise capitaliste qu'elle entretenait elle-même, le système médiatico-économique a sapé l'image de l'élu de la Nation et des services de l'Etat pour créer un contexte favorable à une réorganisation en profondeur de la société.

La première phase vient de se terminer, avec la recomposition politique qui cherche à noyer définitivement les notions de gauche et de droite, les partis politiques en tant qu'organisations structurées au service d'idées (d'idéologies) et de programmes clairs.

La deuxième étape pour jeter le discrédit dur les institutions de la République commence : d'un côté, l'image de l'Assemblée nationale est sapée par l'inconsistance des nouveaux députés élus dans la majorité, par le discrédit jeter a priori sur leur honnêteté au travers d'une loi sur la moralisation de la vie politique qui permet, surtout, de supprimer une réserve parlementaire dont beaucoup d'élus se servaient pour financer, en toute transparence, le tissu associatif de leur territoire et les projets municipaux de nombre de petites communes sans ressources (écoles, routes, infrastructures collectives,...).

Cette étape comprend aussi l'accélération de l'assèchement de la démocratie locale : communes ou départements. Cette assèchement est essentiellement financier, par la suppression des financements de l'Etat (sérieusement enclenchée sous Hollande) ou de la taxe d'habitation, et par une pression énorme de l'Etat au regroupement de communes en gigantesques agglomérations ou métropoles.

Les centres de décision s'éloignent des villages, des quartiers populaires. Les élus ne sont plus des particuliers qui s'engagent bénévolement pour leur commune mais des quasi-professionnels que ne connaissent plus les habitants et qui s'en remettent à des conseillers, des techniciens, pour gérer des dossiers de plus en plus complexes, des sommes de plus en plus importantes.

A termes, la France perdra ses élus locaux. Ceux qui resteront ne feront que valider des avis d'experts techniques qui appliquent des réglementations européennes, comme les appels d'offre. Le parlement français se contentera d'être le relais des décrets venus de Bruxelles où d'autres technocrates non élus prendront les grandes décisions.

L'armée française sera intégrée à une armée européenne. Le parlement n'en aura plus le contrôle. C'en est déjà partiellement le cas !

Les autres services publics n'existeront plus que dans les souvenirs : ils sont déjà largement rongés par la mise en concurrence avec le privé et par le manque de moyens, deux méthodes pour leur retirer toute crédibilité et toute capacité à remplir leur rôle ! N'est-ce pas déjà le cas avec EDF, La Poste, la SNCF ou, même, Pôle-Emploi (qui sous-traite au privé) et nos forces de l'ordre (sociétés de gardiennage ou de télésurveillance qui "pallient" à l'incapacité de l'Etat de protéger les biens) ou l'éducation nationale (concurrencée par des "écoles privés" au statut privilégié et des entreprises de cours à domicile) ?

Ce scénario n'est bien-sûr pas inévitable !

Depuis le référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, en 2001, les citoyens de plusieurs pays européens (dont la France !) ont montré qu'ils pouvaient se mobiliser pour contrarier la stratégie de l'Europe et des marchés financiers.

La convergence des luttes, entre travailleurs des entreprises privées et travailleurs du secteur public, l'éducation populaire à l'Histoire et à l'économie, la formation des militants, sont autant d'armes qui permettent aux citoyens-travailleurs de prendre conscience des enjeux actuels des réformes annoncées par Macron : réforme du Code du travail et réforme territoriale, baisse des APL et allègement de l'ISF, tout est lié !

Les salariés les plus conscients ont aujourd'hui un rôle majeur, une responsabilité historique pour aider un maximum de nos concitoyens à comprendre les logiques des politiques libérales actuelles et pour qu'ils prennent conscience de notre capacité collective à inverser le sens de l'Histoire.

Les communistes et leur Parti doivent aujourd'hui revoir leur stratégie et leurs objectifs pour répondre à ces enjeux historiques pour le peuple français.

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