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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Catalogne : faut-il être du côté des indépendantistes ?

Eric RUIZ

Le référendum sur l'indépendance de la Catalogne est-il légitime ? Le gouvernement central espagnol a t-il eu raison de tenter d'empêcher ce scrutin ?

Les images de violences de ce week-end de référendum en Catalogne rappellent de biens tristes images, des images vues en Espagne, il y a 40 ans durant la dictature d'extrême-droite de Francisco Franco, ou plus récemment, à l'époque de la dislocation de la Yougoslavie en 1991.

Légitime ou non, ce référendum comme le contexte de débat sur l'indépendance de la riche Catalogne, ne justifient pas les violences policières organisées par le pouvoir central de Madrid, ni même les arrestations préalables de dirigeants catalans ou l'interdiction de sites d'informations républicains. Refuser de reconnaître le résultat du scrutin aurait largement suffit !

Toute cette violence, vue d'une manière unilatérale, donne du grain à moudre aux militants de l'indépendance qui peuvent se targuer d'être pacifique face à une violence de l'état espagnol.

Il faut aussi ce souvenir que ce débat qui secoue la Catalogne concerne aussi le Pays-Basque où l'on regarde avec inquiétude les événements en cours du côté de Barcelone !

Pour autant, quel est le sens de ce débat sur l'indépendance de la Catalogne ?

J'ai reçu hier soir par mail un commentaire d'un camarade communiste libertaire d'origine espagnole (comme moi). Je tenais à le partager avec vous en y apportant mes propres commentaires.

Voilà ce que m'écrit Denis :

" Toutes les chaines de télévision françaises s'expriment sur la question de l'Indépendance de la Catalogne... 
Bien entendu, n'étant pas espagnol et encore moins catalan, je n'ai aucune opinion sur la question mais je me permets cependant quelques commentaires : 
- un rappel historique : Comparer la Catalogne à un pays colonisé est méprisant envers tous les peuples du Monde qui n'ont jamais atteint le niveau de participation des élites catalanes à la vie de leurs "occupants" d'autant plus que ces mêmes élites ont largement profité de l' "Empire espagnol" et même du Franquisme après l' "épisode " (pour elles) de la Guerre civile"
- "Madrid est responsable de tous nos maux !!!!" entend-on (en castillan d'ailleurs) sur toutes les chaînes de télévision française. Sans s'attarder sur le gouvernement Rajoy, émanation des grandes puissances économiques et financières, on peut estimer qu' en cas d'indépendance, les mêmes élites contrôleront toujours le pouvoir à Barcelone. 
Et comme leur politique ne devrait pas changer fondamentalement, les problèmes devraient donc rester les mêmes. Cependant on ne pourra plus accuser Madrid, exclu des décisions, mais qui alors sera responsable de tous les maux ? Les émigrés ? Les gens du Sud ? (ceux qui parlent déjà un mauvais espagnol !), en bref les "Pas-nous-pas-nous" ?  Les "mauvais catalans" ? (ceux qui parleront de droits sociaux)...
En ce sens, l'indépendance catalane serait aussi un épisode supplémentaire du poker menteur commencé avec le débat sur le protectionnisme au XIXème siècle et dont les manches successives ont marqué, depuis, l'histoire de la Péninsule  le plus souvent au profit de possédants pratiquant à chaque fois la surenchère nationaliste pour convaincre le bon peuple de se taire et leur laisser le pouvoir.
Une dernière remarque s'impose : tout cela n'a rien d'extraordinaire et ne relève donc pas d'une grande finesse politique. Mais pratiquer ce type de raisonnement même basique à notre époque n'est pas bien vu. Il est mieux accepté de disserter sur le "droit à l'indépendance" en éludant toute question sociale.
Denis "

Mes commentaires :

Le camp nationaliste catalan comprend deux camps :

- celui de la droite catalane (Convergencia i Unio), qui a toujours été au pouvoir à Barcelone depuis le retour de la "démocratie" en 1978 et qui représente les intérêts de la bourgeoisie catalane, une bourgeoisie qui a vécu sans difficultés la période de la dictature mais qui a largement profité du boom économique de l'Espagne depuis l'ouverture des années 80, et particulièrement depuis l'entrée dans l'Union européenne ;

- celui de la gauche républicaine (Esquerra Republicana de Catalunya) qui se revendique de la République espagnole renversée en 1939 par Franco (avec l'aide de l'Allemagne nazie, de l'Italie fasciste et avec la passivité de la France et du Royaume-Uni) et qui a connu une poussée électorale depuis la crise économique du pays et l'effondrement du Parti socialiste espagnol (PSOE) ; son électorat est plus populaire.

Il y a donc deux points de vue qui se rejoignent sur un combat, celui autour de l'indépendance. Il n'est pas certain que les motivations et les intérêts soient exactement les mêmes !

Les questions posées par Denis sont importantes : à quoi sert l'indépendance ?

- A camoufler les causes de la crise économique qui touche aussi la Catalogne en mettant les responsabilités sur Madrid ou sur les régions les plus pauvres du pays ? Un égoïsme qu'on retrouve en Flandres et en Italie du nord avec les partis d'extrême-droite qui parlent là aussi d'indépendance.

- A moins que ce projet ne soit l'occasion de bâtir une Catalogne plus juste économiquement, reconnaissant le travail à sa juste valeur et, donc, pénalisant l'oisiveté des actionnaires et des banquiers ?

Il est à craindre, malheureusement, que la Catalogne indépendante reste sur un modèle capitaliste inchangée et que seule l'élite actuelle profite réellement du changement institutionnel.

Maintenant, quelle stratégie vont choisir Madrid et Barcelone ?

Le gouvernement de droite à Madrid, héritier de la droite franquiste, refuse de céder un pouce de terrain aux Catalans, tandis que les nationalistes catalans semblent pousser par une minorité qui exige la sécession sans négociation.

Espérons que la raison l'emportera et que les travailleurs de Catalogne, les Catalans comme les très nombreux immigrés de l'intérieur (Andalous, Murciens, Extremenos ou Galiciens), sachent tempérer les ardeurs des deux camps et trouver une voix qui permette à chacun de vivre en paix dans un modèle social plus favorable aux intérêts de ceux qui contribuent à créer la richesse.

Eric RUIZ, fils d'immigré espagnol dont la famille vit sur Barcelone et Gérone.

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