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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Les lycéens de banlieue mis « en attente » par Parcoursup

Solidaire

Cet article de L'Humanité est l'un des rares qui traite du scandale Parcoursup.

Rien d'étonnant face au scandale que représente ce système de sélection déguisée qui devait régler le scandale du système précédent. Une sélection bien entendue sur critère social, pour permettre de pérenniser un système basé sur la reproduction des classes sociales : les enfants de la haute bourgeoisie ne doivent pas risquer de perdre leur statut social face à des gosses de prolétaires qui se révèleraient meilleurs qu'eux s'ils avaient accès à des études de qualité !...

Alors, silence dans les médias !

Aux jeunes de se bouger, de lutter pour leur avenir !

Solidaire

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Le système de sélection des futurs bacheliers pénalise ouvertement les élèves des quartiers populaires. Dans les lycées concernés, un sentiment d’injustice se répand, confirmé par des chiffres alarmants fournis par les syndicats. Reportage au lycée Paul-Éluard où la colère gronde.

Jeudi dernier, devant le lycée Paul-Éluard à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), c’est l’effervescence. Plus d’une centaine de lycéennes et lycéens sont rassemblés là. Le grand portail d’entrée est barré sur toute sa largeur par une banderole qui annonce laconiquement : « La lutte continue. » Après une assemblée générale qui avait décidé, mardi, d’un rassemblement, les élèves ont finalement opté pour un blocage : il s’agit de se faire entendre pour dénoncer la sélection opérée par la plateforme Parcoursup d’admission dans l’enseignement supérieur. Une sélection dont ils dénoncent le caractère discriminatoire à leur égard, eux, les lycéens de Seine-Saint-Denis. L’atmosphère semble plutôt sereine, mais parmi les lycéens rassemblés, les discussions vont bon train. Au cœur de celles-ci : les réponses de Parcoursup aux vœux des futurs bacheliers de ce lycée général et technologique. Et là, plus question de sérénité.

Can est en terminale STMG (sciences et techniques du management et de la gestion). Dans ses vœux, il a demandé des licences économie et gestion : « Je suis sur liste d’attente partout et mal classé. Même dans les facs de mon secteur. À Paris-XIII, je suis 400e sur 2 000. Même ici, à Paris-VIII, je suis mal classé, je ne comprends pas pourquoi ! » Il suffit de se tourner pour comprendre le pourquoi de ce « même ici Paris-VIII » : les bâtiments de l’université se dressent juste derrière le lycée. Quant à Paris-XIII Villetaneuse, elle est à peine à quelques kilomètres. Et le cas de Can est loin d’être unique. Clara passe un bac SSI (sciences de l’ingénieur) ; elle voulait faire un DUT génie mécanique, mais un professeur l’a convaincue qu’elle était « une littéraire. Du coup (je) n’ai demandé que des licences LEA (langues), et je n’ai eu que des « en attente », y compris à Paris-VIII, même si je ne suis pas trop mal classée, 150e sur 800 – sauf à Nanterre, où (je) suis prise »… Mais elle va refuser : « Je ne veux pas faire LEA ! Je préfère redoubler pour avoir une chance de faire ce que je veux l’an prochain. »

Discrimination géographique

Lucas, en terminale S, a de la chance : il est pris dans une école d’ingénieurs, hors Parcoursup, dont il a passé le concours. Mais il ne comprend pas : « J’avais aussi demandé des DUT et des licences éco-gestion : je suis en attente partout ! » Il est presque inutile de lui demander de préciser : il est « en attente » aussi à Paris-VIII et Paris-XIII. Le refrain est fréquent, la colère et l’amertume sont générales. Amel a presque le même profil que Lucas : refusée ou mise en attente dans les licences et les DUT qu’elle avait demandés, elle espère être prise en école d’ingénieurs. « Mais de toute façon, le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas de place à l’université… On avait des rêves en début d’année, ils n’ont pas le droit de casser nos rêves comme ça. » Clara s’en mêle : « De toute façon, les lycées de banlieue, on n’est pas traités comme les autres. » Samuel, en terminale L : « On nous demande de faire des CV, des lettres de motivation, mais ils ne les lisent pas. Et puis, pour la plupart d’entre nous, on ne l’a jamais fait, puisque nos parents ne peuvent pas nous aider… On est défavorisés pour tout ! »

Le sentiment est général mais le ministère, lui, refuse de donner le moindre chiffre permettant de comparer les réponses données par Parcoursup aux lycéens des quartiers populaires. Les méthodes de décision des universités, algorithme ou pas, demeurent couvertes par le secret, mais on sait déjà que nombre d’entre elles ont choisi de prendre en compte le classement du lycée d’origine. Seulement, même selon ce critère, Paul-Éluard est un des meilleurs lycées de Seine-Saint-Denis : 9e au classement 2018 (et 33e nationalement, sur plus de 2 300 établissements). Alors, existe-t-il une discrimination tout simplement géographique à l’encontre des élèves de banlieue ?

Cosecrétaire du Snes (premier syndicat du secondaire) en Seine-Saint-Denis, Grégory Thuizat confirme. Son syndicat a mené une enquête dans l’académie de Créteil, qui regroupe les départements de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, collectant les réponses de plus de 4 000 élèves. Résultat : au 25 mai, quand le ministère communiquait sur « plus de 50 % de réponses positives » nationalement, 57,6 % des élèves de Seine-et-Marne n’avaient aucune réponse positive. Ils étaient 54,7 % en Seine-Saint-Denis et 45,2 % dans le Val-de-Marne.

Des taux de refus effarants

Surtout, certains lycées, certaines sections affichent des taux de refus effarants, dépassant les 70 à 80 %. Avec un triste record pour le lycée Becquerel, de Nangis (77) : 95,5 % de « non » ou « en attente » ! Les élèves des sections technologiques de l’académie subissent les taux de réponses négatives les plus élevés – entre 64,3 % et 73,9 % –, quand les sections générales L, S et ES présentent respectivement des taux de 41,1 %, 49,3 % et 53,7 %. Des chiffres variables, donc, mais qui confirment assez nettement le sentiment des élèves de Paul-Éluard. Ceux-ci ont décidé de mettre leur action en suspens pendant les épreuves du bac, mais se sont donné rendez-vous dès celles-ci terminées, le 24 juin. 

Olivier Chartrain
Lundi, 4 Juin, 2018
L'Humanité
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