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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Contre le révisionnisme, de Louis Renault aux Pays Baltes

Solidaire

Dans une Europe où les thèses d'extrême-droite se banalisent, faut-il laisser la mémoire historique être falsifiée ?

Révision en France

Depuis plusieurs mois, une véritable offensive en faveur de la réhabilitation de Louis Renault est en marche. Le 2 mars dernier, c'est la télévision publique qui prêtait main forte aux descendants de Louis Renault en diffusant un reportage en faveur du patron de Renault lors du journal télévisé de David Pujadas. Seuls quelques historiens justifiant l'activité du patron français par la "contrainte" de l'occupation eurent droit à la parole.

Louis-Renault---Adolf-Hitler.JPGLe 13 juillet 2010 déjà, à la demande de la famille Renault, c'est le musée de la mémoire d'Oradour sur Glane, village martyr du nazisme, qui avait dû retirer une photo montrant Louis Renault au côté d'Adolf Hitler avec la mention "Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht" pour illustrer la collaboration. La Cour d'Appel de Limoges considérait que cette photo, antérieure à la guerre, ne pouvait servir de preuve et qu'il lui était attribué "une inexacte fabrication de chars". Depuis quand des juges se permettent-ils de s'ériger en spécialistes de l'Histoire et de rejeter des faits historiques avérés ?

Hier, les petits enfants de Louis Renault qui lorgnent vers l'héritage potentiel que leur offrirait la réhabilitation de leur parent, sont revenus à la charge, à nouveau relayés par les grands médias.

Cette falsification de l'Histoire, qui provoque un tollé dans les milieux de la recherche historique et chez les anciens résistants, vise t-elle plus largement que le seul cas Louis Renault ?

On sait qu'une partie du grand patronat voue une véritable haine au Conseil National de la Résistance qui pris des mesures de nationalisation et de confiscation de biens de collaborateurs et des mesures sociales fortes comme la retraite, la Sécu ou le statut de la Fonction Publique. On sait à quel point le gouvernement sarkozyste, fortement influencé par l'extrême-droite et le patronat, détricote consciencieusement toutes ces mesures.

L'Histoire a montré également l'important soutien du patronat français et de la bourgeoisie à l'extrême-droite française dans les années 30 notamment aux groupes paramilitaires (Croix de Feu,...) ou terroristes (La Cagoule) par peur d'une révolution bolchévique en France. Ce n'est pas pour rien qu'une partie de la bourgeoisie française avait adopté le slogan "Plutôt Hitler que le Front Populaire".

Réhabiliter le collaborateur Louis Renault reviendrait à remettre en question la vérité historique d'une page sombre de notre Histoire où les classes sociales possédantes ont fait majoriatirement le choix de la défaite et de la collaboration contre le peuple de France, de peur de voir celui-ci basculer dans le socialisme.

C'est une réalité historique que l'on retrouve partout en Europe à cette époque (à commencer par l'Allemagne ou l'Espagne de Franco) et partout dans le monde par la suite, comme lors des coups d'Etat militaires en Grèce ou en Amérique du sud (Chili d'Allende).

Dans le cas de Louis Renault, la résistance (sans jeu de mot) s'organise. Vous trouverez en bas de cet article une lettre du 18 avril du grand résistant et ancien député communiste Pierre Pranchère.

Révision à l'est

Parallèlement, dans la grande entreprise d'éradication du combat communiste menée depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, certains pays vont très loin dans le révisionnisme historique.

C'est le cas de la Lettonie qui n'a pas de mots pour dénoncer l'Union Soviétique au point que, au musée de Riga, on ne célèbre pas le 8 mai 1945 comme jour de Libération mais comme début de ... l'occupation !

D'ailleurs, ce musée insiste sur le fait que l'armée hitlérienne a été accueillie en 1941 en "libératrice".

Silence sur l'annihilation quasi complète de la communauté juive locale par les milices lettones ! Silence sur les arrestations, assassinats et déportations d'opposants au nazisme, notamment de partisans communistes.

Le pays célèbre même la légion lettone de waffen SS tous les 16 mars !

Le revisionnisme est tellement poussé que le gouvernement "démocrate" letton a entamé des poursuites contre un vétéran de guerre, le letton Vassili Kononov, accusé de "crimes de guerre" par la cour suprême lettone en 2004. Pendant ce temps, un ancien commandant de la waffen SS siège toujours comme député en charge de la commission de la citoyenneté (!) après avoir eu en charge les relations avec l'Otan (tout est dit !).

L'affaire est arrivée en Cour Européenne des Droits de l'Homme. Et le résultat n'est pas assuré malgré une argumentation pourtant clairement pro-nazie du gouvernement letton qui qualifie la condamnation des responsables nazis de "justice des vainqueurs qui a permis aux criminels alliés de rester impunis" et qui demande à la CEDH de "corriger les défauts de Nuremberg".

Dans les faits, c'est la première fois qu'un combattant de la liberté risque une condamnation comme "criminel de guerre" !

En France comme dans l'ex-bloc soviétique, tout est fait dans cette guerre des classes qui tait son nom, pour que la classe capitaliste au pouvoir puisse réécrire l'Histoire à son avantage, quitte à falsifier les faits et à remettre en selle l'extrême-droite. Le péril est grand de voir une nouvelle fois la peste brune accéder au pouvoir dans un pays européen. Ce sera à coup sûr le déclenchement d'un important retour en arrière social et démocratique.

La réhabilitation du patronat français et le soutien des médias dominants à la candidature Le Pen sont la version française de ce rapprochement idéologique.

Il faut croire que le capitalisme et le patronat ne sont pas sûrs de leur système et de leur pouvoir pour envisager à ce point le recours à un pouvoir fort et antidémocratique ?

Comme dans les années 30 en France, c'est la solidarité de classe, par delà les origines, et le combat pour changer la société qui pourront faire barrage à l'effondrement républicain que constituerait une victoire d'une alliance MEDEF - UMP -FN.


Pierre Pranchère

Résistant à l’âge de 15 ans à l’AS puis aux FTP
Ancien député de la Corrèze de 1956 à 1958 et de 1973 à 1978
Député honoraire au Parlement Européen
Secrétaire général du Collectif Maquis de Corrèze.

LA FLAMME DE LA RÉSISTANCE, L’HONNEUR DE LA FRANCE

La décision prise par le gouvernement de la Résistance présidé par le général de Gaulle, au début de l’année 1945, de nationaliser les usines Renault pour collaboration avec l’ennemi fut ratifiée par l’Assemblée Constituante, le 16 janvier 1945. Cette assemblée était l’émanation des forces patriotiques adhérentes au Conseil National de la Résistance. Elle fut constituée selon les dispositions de l’ordonnance du 21 avril 1944 signée par de Gaulle.

Les délégués constituants ne sortaient pas de l’ENA qui n’existait pas alors, mais des terribles épreuves de la clandestinité et des durs combats libérateurs. La Gestapo, la milice et la police pétainiste à leur trousse, ils avaient risqué l’arrestation, la déportation, les tortures et la mort. Certains d’entre eux avaient été blessés, emprisonnés, torturés. Tous avaient perdu des proches compagnons. La décision de nationaliser Renault fut prise par celles et ceux qui avaient rétabli l’honneur de la France bafouée. Mettre en cause cette décision historique serait une injure à la mémoire de toutes les victimes de la barbarie nazie et pétainiste, une insulte à la Résistance à ses combattants et à ses héros.

L’ordonnance du 16 janvier est incontestable. Elle accable Louis Renault : « ses prestations à l’armée allemande précise-t-elle, ont, durant l’occupation, été particulièrement importantes et ne se sont trouvées freinées que par des bombardements répétés dont les usines de Boulogne-Billancourt et du Mans ont été l’objet de la part de l’aviation alliée ». Ajoutons un élément significatif. En 1943, après un bombardement allié particulièrement dévastateur, Louis Renault fit déblayer très vite les ateliers détruits à Boulogne-Billancourt. En un temps record il les rééquipa en machines neuves et remit en marche la production au service de l’armée hitlérienne.

Louis Renault et ses semblables du haut patronat furent le fer de lance de la collaboration, le déshonneur de notre pays. La collaboration qui coûta très cher à notre peuple et aux peuples de l’Union Soviétique. En 1941, Hitler dans sa marche triomphante disposait de presque toutes les ressources économiques et stratégiques de l’Europe. Les chars et les camions Renault étaient du nombre.

Le Musée de la Seconde Guerre Mondiale à Moscou qui contient les différents types d’armes utilisées par l’armée nazie atteste de l’importance des productions Renault. D’autre villes et musées peuvent aussi en témoigner. Nous savons qu’à Léningrad, après le siège atroce, un char Renault, prise de guerre, fut exposé sur une place.

1340 chars, prise de guerre des allemands sur le sol français, furent reconditionnés avec enthousiasme dès août 1940 par Louis Renault. En 1941, Renault produisit à un rythme effréné une commande de chars pour l’Allemagne devant être livrée le 15 juin, c’est-à-dire avant l’agression du 22 juin contre l’URSS. Louis Renault continua sa collaboration avec Hitler jusqu’en 1944. Seules l’insurrection et la libération y mirent fin.

Dans la guerre hitlérienne en URSS, les chars Renault du type FT 17 et R 35 occupèrent une place de choix dans les combats contre les unités de partisans qui ne disposaient pas de blindés et de canon antichars. Le FT 17 dans la défense des aérodromes, le second dans l’attaque frontale des unités engagées en coordination avec le front de l’Armée Rouge. Les chars Renault opérèrent aussi contre les partisans yougoslaves. La traque des partisans par les chars Renault s’est combinée avec les horribles massacres des populations civiles commis par les divisions SS, dont la sinistre Das Reich : « nous avons pris en Russie l’habitude de pendre, nous avons pendu plus de 100000 hommes à Karkov et à Kiev, ici ce n’est rien pour nous » (Kowatsch au préfet Trouillé, le 9 juin 1944 à Tulle).

Qui pourrait oublier le prix payé pour la victoire par les peuples de l’Union Soviétique, vingt cinq millions de morts, des millions d’handicapés et presque la totalité des familles atteinte par cette effroyable tragédie ?

La tentative de réhabilitation de Louis Renault, lancée par France 2, le 2 mars 2011, qui refuse toujours un droit de réponse, a du plomb dans l’aile du fait de la puissante riposte qui monte de la France entière et de l’argumentation irréfragable développée par l’historienne Annie-Lacroix-Riz.

La Résistance et ses racines vivantes, qui écrasa hier la collaboration et ses maîtres nazi-fascistes, doit aujourd’hui tailler en pièces cette infâme campagne menée par les néo-pétainistes et leurs émules.

La flamme de la Résistance ne s’éteindra pas. Elle a été, elle est et sera toujours l’honneur de la France.

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