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Andrée OGER, conseillère départementale communiste de l'Eure Andrée OGER est maire honoraire de Croth, conseillère départementale de Saint André de l'Eure et chevalier de la Légion d'Honneur.

Éric Laurent : le scandale des délocalisations

Solidaire

A quoi bon s'escrimer à rédiger un billet d'humeur ou un article quand on trouve sur le net des articles si intéressants ?

Je sais, en cette période de vacances pascales, cela ressemble à de la flemme. Mais, que voulez-vous ? Les révolutionnaires que nous sommes ont parfois besoin de repos, eux aussi !

Bref ! Voilà un article sur le livre du journaliste Eric Laurent traitant des délocalisations.

J'ai grisé quelques paragraphes qui résument parfaitement le sujet.

Je rajouterai juste que ce suicide économique que représente la politique de délocalisation est une conséquence directe de la prise de pouvoir de la sphère financière sur la sphére économique. Le bénéfice immédiat devenant le seul critère de gestion des entreprises, c'est la fuite en avant qui entraine les délocalisations et l'abandon des politiques de recherche industrielle ou d'investissements productifs.

Le capitalisme est une bête malade qui dévore ses propres entrailles et qui amène les pires maux de nos sociétés : chômage, misère, violences sociales, trafics mafieux, guerres impérialistes, destruction irrémédiable de notre environnement,...

Dans le domaine vétérinaire, quand une bête est à ce point malade et dangereuse, on l'achève.

Il faudrait peut-être penser à achever le capitalisme. Pour le bien de l'humanité.

Solidaire


 

Bernard GENSANE, "Le Grand Soir"


Ce livre remarquable est bien la preuve que, pour l’hyperbourgeoisie, la crise n’est pas le problème, c’est la solution.

Éric Laurent n’appartient pas à la gauche. Il est parfois complaisant (voir ses livres sur Hassan II ou Konan Bédié). Mais dans le métier, on dit de lui qu’il est un “ journaliste d’investigation ”, c’est-à-dire … un journaliste. Un vrai.

Sa dénonciation des délocalisations, par les patronats étatsunien et français en particulier, est puissamment documentée et offre une mise en perspective exceptionnelle de ce problème économique, social et humain. Les capitalistes occidentaux ont cru qu’en délocalisant ils allaient se servir de la Chine ou de l’Inde en qui ils ne voyaient que des pays tout juste bons à fabriquer des t-shirts ou des jouets à deux balles. Ils comprennent désormais que ces pays dits “ émergents ” se servent d’eux. Même Wal-Mart, cet immense empire de la distribution qui avait fait plier les gouvernements étatsuniens successifs, est désormais soumis aux logiques industrielle et commerciale des Chinois (l’auteur consacre un chapitre édifiant aux ravages que l’entreprise des Walton a commis dans la société étatsunienne). Pourquoi la Chine ? Parce que, rappelle Éric Laurent – et c’est là une remarque frappée au coin du bon sens, ce pays a été la première puissance mondiale pendant dix-huit des vingt derniers siècles. Pourquoi l’Inde ? Parce que lorsque les Français et les Anglais (qui l’ont oublié) se disputaient ce pays au XVIIIe siècle, son économie était plus puissante que la leur. Retour des choses.

Les responsables des délocalisations ne sont pas les Chinois, mais bien le monde des affaires occidental qui, souligne d’emblée l’auteur, « ne s’est jamais révélé aussi hostile aux intérêts des travailleurs ». Les responsables sont au premier chef les entrepreneurs du CAC 40 qui ont fait passer la part des emplois en France de 50 à 32% de leurs effectifs totaux. Délocaliser, c’est commettre un “ crime de bureau ”, pour reprendre la célèbre expression utilisée lors du procès Papon. Cela signifie des salaires réduits, moins d’impôts pour financer l’éducation ou la santé, un déclin généralisé et une perte irrémédiable de souveraineté.

Au sein de l’Europe, les grands groupes pratiquent également la “ délocalisation sur place ” en important des travailleurs de pays européens à la main-d’œuvre bon marché. Comme France Télécom qui a recruté récemment des Portugais sur des contrats de deux ans. La complicité des pouvoirs publics est totale : l’Union européenne, les États, les régions financent les entreprises qui cherchent à délocaliser, avec l’argent même des contribuables. En dix ans, l’emploi industriel a baissé en moyenne de 15% dans l’Union européenne, et de 20% en France.

Le déclin des États-Unis et de l’Europe s’accélère. En 2010, plus de la moitié de la croissance mondiale a été assurée par les pays émergents, dont un tiers pour la Chine. Une des raisons de cette avancée fulgurante est que les entreprises occidentales de pointe n’hésitent pas, parce qu’elles visent le court terme, à opérer des transferts de technologie, à brader leur savoir-faire aux Chinois ou aux Indiens. C’est le cas de Texas Instruments, installée à Bangalore depuis quinze ans. Ou d’Alsthom qui a été contraint, en toute illégalité, d’abandonner une partie de son know-how aux Chinois qui vendent désormais des trains à grande vitesse à prix cassés. IBM n’est pas morte, mais elle emploie plus de 40000 salariés en Inde. Les Chinois ou les Indiens n’ont plus besoin de racheter des firmes occidentales puisque ces firmes ont « programmé leur suicide » en transférant leur recherche-développement en Asie. 60% des firmes occidentales de haute technologie ont délocalisé leurs emplois. C’est ainsi que les puces électroniques des avions F 16 sont fabriquées en Chine. Comme disait Lénine, « Le jour où nous voudrons pendre les capitalistes, ils nous vendrons eux-mêmes la corde pour le faire. »

L’auteur rappelle que le monde des affaires a toujours été fasciné par les régimes forts. Parmi d’autres étatsuniens, la famille Bush a travaillé avec l’Allemagne nazie. Ikea faisait fabriquer ses meubles en Pologne dès les années soixante. Aujourd’hui, l’Indien Tata – ressortissant d’une authentique démocratie politique – envisage d’implanter sa production automobile en Chine. Le fin du fin est d’installer physiquement une usine dans un État fort, puis, par le biais de succursales multiples et autres entourloupes légales, de localiser les bénéfices dans un pays à faible fiscalité et de déclarer les pertes dans un pays à fort taux d’imposition sur les sociétés.

Toujours en avance d’un quart d’heure, les États-Unis ont innové : non seulement les entreprises, mais également le gouvernement fédéral et les États délocalisent (Yes, they can). Lorsqu’un travailleur de l’Indiana perd son emploi, il compose un numéro officiel et, à l’autre bout du fil, un Indien (sic) lui explique les démarches à effectuer et les droits dont il peut se prévaloir. Dans les faits, cet Indien est rétribué par les impôts que paye le chômeur. C’est ainsi que les États-Unis ont perdu plus d’un million d’emplois au profit de l’Inde. En France, le nombre réel de personnes sans emploi véritable avoisine six millions. Dans un récent article (http://www.legrandsoir.info/Ikea-au...), David Macaray expliquait ici-même comment – autre retour des choses – Ikea avait fait des États-Unis une terre de délocalisation, un pays du Tiers-Monde pour le dire vite. Ainsi donc, nos sociétés sont entrées dans un cycle infernal : « En abaissant les salaires et en accentuant les délocalisations, les entreprises affaiblissent la demande intérieure. Elles n’ont pas compris qu’en se débarrassant de leurs salariés elle perdraient leurs consommateurs. » Le pire est que ces mêmes entreprises fuient à l’étranger en exigeant des subventions payées par les gens qu’elles mettent au chômage. Notre système économique en est venu à «  détester ceux qui ont un emploi et plus encore ceux qui l’ont perdu. »

Les pouvoirs politiques sont complices : ils ne protègent plus du tout les travailleurs. Ils observent sans réagir les déqualifications, l’abaissement des salaires, le travail à bas coût. La politique européenne est aussi absurde que criminelle : « Elle s’offre à la concurrence internationale tout en pratiquant une politique interne de la concurrence, tatillonne, qui interdit à ses États membres de fournir à leurs industries un soutien public. Comme c’est le cas en Chine ou aux États-Unis. »

Que se passera-t-il lorsque la mariée sera devenue vraiment laide ?

Paris : Plon, 2011.

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